Tahar Touam est un brillant physicien, bourré de diplômes acquis dans les grandes écoles et universités nord-américaines dont la prestigieuse École Polytechnique de Montréal. À l’exception de son pays, c’est un chercheur connu à travers le monde qui a été à l’origine d’une découverte importante dans le domaine de la photonique qui a abouti à la création d’une entreprise de pointe qui s’est effondrée dix-huit mois après son départ. C’est difficile et compliqué à la fois de revivre un jour l’expérience de Tahar Touam.

Un parcours impressionnant qui n’a laissé personne indifférent autour de lui. De Annaba à Montréal, l’Algérien s’est distingué dans tous les établissements scolaires qu’il a fréquentés depuis la première année. Déjà au primaire, à l’école Didouche Mourad, ces professeurs remarquent ces bons résultats. Son niveau lui permet de passer directement de la 4e à la 6e où aux examens de fin d’année, il obtient la meilleure note à l’échelle de la ville de Annaba. Au lycée technique, il reçoit le prix d’excellence remis annuellement au meilleur élève. Tout le monde lui prédit une brillante carrière. Jeune, il rêve d’atteindre les sommets. Son voeu se réalise en Amérique du Nord. Il obtient son Ph.D du centre d’optique photonique et laser affilié à l’Université de Laval. L’Algérien est arrivé au Canada en 1986 avec un DES en physique. À Ottawa, il rencontre un accueil chaleureux de la communauté arabe. Les premiers jours, il fait connaissance de Adnan El-Khatib, un Irakien qui l’héberge pendant un mois chez lui, le temps de trouver un appartement. L’Irakien est tellement sympa et gentil avec Tahar que ce dernier lui promet de donner à son premier enfant le prénom Adnan.

Après un bref séjour à l’institut des langues anglaises d’Ottawa, il entre à l’université McGill, à Montréal, où il s’inscrit à l’institut de physique, option quantique. Sa recherche s’oriente vers les composants critiques dans les transitions des phases dynamiques. À la fin de l’année, il est major de promotion avec une moyenne au-dessus des autres qui lui permet d’obtenir le prix d’excellence. En 1987, il est remarqué par le professeur Michel Bélanger qui a réuni tout un dossier sur lui. Ce dernier va se rendre à l’Université McGill pour rencontrer Tahar Touam. Au cours de l’entretien il lui dit : « qu’est ce que tu fais ici, viens travailler avec nous à l’École Polytechnique, je financerai tous tes travaux et recherches ». Le professeur canadien qui l’avait repéré parmi les meilleurs n’avait pas tort, au bout d’une année, le prodige de Annaba obtient un diplôme honorifique de l’École Polytechnique pour sa contribution à la recherche, son apport à l’enseignement et à la visibilité de l’école. Son travail a été choisi par « The International Society of Optical Engineering », comme la meilleure recherche de l’année en télécommunication. Commence alors pour lui une brillante carrière à Montréal. Il va faire partie des différents groupes de recherche qui vont révolutionner la photonique. Tahar Touam, est jeune et l’avenir est devant lui. Ses connaissances en sciences exactes sont la clef de sa réussite. Il connaît beaucoup de choses. Sa présence en Amérique du Nord coïncide avec l’émergence des nouvelles technologies qui vont bouleverser le monde, à la veille du millénaire. Au lieu de 3 ans, il achève la maîtrise science appliquée option optique et laser en 14 mois et fait 5 publications liées à ces recherches scientifiques. L’avantage qu’il a sur les autres : le sens de l’initiative et la maîtrise de plusieurs domaines à la fois : la physique des solides, l’optoélectrique, l’informatique, les mathématiques, la chimie physique, la programmation des méthodes numériques et surtout la conception de logiciels en photonique. Son apport dans la transformation du matériau Sol Gel a été capital en 1998. À l’annonce de la découverte, de Chicago, M. Tony Morreti, vice-président de la multinationale Molex Inc, s’est déplacé en personne à Montréal pour assister à la démonstration. C’est l’avenir du groupe qui se joue devant les spécialistes, les cadres et les bailleurs de fond qui accompagnent l’Américain. Ils ne seront pas épargnés, les questions fusent de toutes parts, les spécialistes ne se gênent pas de l’interpeller sur tous les aspects de l’invention. Du Japon, de l’Europe, de l’Australie et de l’Amérique, plusieurs groupes sont sur le coup. Après huit mois de recherche, Tahar Touam et ses collaborateurs mettent au monde une puce révolutionnaire qui, pour la première fois, est réalisée sur le matériau Sol gel. La découverte va leur rapporter 15 millions de dollars dont 5 millions de Molex inc. Avant de verser l’argent, Tony Morreti, prend l’Algérien à part et lui fait une proposition intéressante. Il l’invite à venir s’installer à Chicago, « tu auras tout ce que tu veux pour monter une compagnie ». Tahar demande à réfléchir, même s’il a les clefs de la découverte, le succès il l’a connu avec ces deux collègues. Les trois se connaissent depuis 10 ans, le premier, S. Iraj Najafi est d’origine iranienne et le Canadien Mark P. Andrews. D’autres investisseurs vont verser d’énormes
sommes. L’argent va permettre au groupe de monter Lumenon Innovative Lightwave Technology, Inc, qui est une société de développement et de conception des composants optiques et des dispositifs en forme de circuits hybrides compacts de verre sur des chips de silicium pour des fournisseurs d’équipement dans les télécommunications, des transmissions de données et des marchés câblodistributeurs. Elles permettent aux sociétés de télécommunication d’augmenter la capacité du transit de leurs réseaux optiques.

De 1998 à 2001, l’invention était au top, l’Algérien est l’élément principal de la découverte. Lui est la plupart des chercheurs s’attendent à une récompense. Le prix Nobel en particulier fait rêver tout le monde. Tahar Touam a, jusqu’ici fait une quarantaine de publications liées à son travail. Toutes les revues scientifiques américaines et anglaises dont Optical Engineering, La Physique au Canada et IEEE Journal of Quantum Electronics, mentionnent ses travaux et parlent de ses recherches. Il est très connu. Au sein de la compagnie, Lumenon Innovative Lightwave Technology, il est à la tête de la recherche et développement. Un département-clé et très convoité, réservé aux personnes très compétentes. Au bout d’une année, il passe au poste de senior scientist. Le secret de la réussite est entre ses mains, ces amis et patrons à la fois, Mark P. Andrews et S. Iraj Najafi, le savent très bien. Entre temps, la compagnie a pris de la valeur. Le carnet de commandes est plein pour les cinq prochaines années. Elle intéresse tout le monde. C’est l’époque des mégafusions. Les Américains débarquent à Montréal et veulent l’acheter. Une première victime, S Iraj Najafi, président de la compagnie et ami intime de Tahar Touam, est chassé de son poste et remplacé par Gary Moscovic, un Américain de la Californie. Avant de partir, S Iraj Najafi va supplier l’Algérien et tenter de le convaincre de le rejoindre pour monter une nouvelle compagnie. Mais Tahar Touam est au bout de ses forces. Tout ce qu’il a fait lui échappe. Ça fait 12 ans qu’il n’a pas mis les pieds en Algérie. Sa famille et ses proches lui manquent, il ne pense qu’à se rendre à Annaba. À son retour, les nouveaux patrons vont l’isoler pour l’étouffer et minimiser son influence sur la compagnie. Le 6 avril 2001, l’Algérien reçoit une lettre d’Encyclopedia Editor. Aux yeux des spécialistes, il devient une référence en la matière. L’éditeur américain l’invite à rédiger le chapitre 12 de l’Encyclopédia of Photonics 2003. C’est la goutte qui fait déborder le vase. Ses patrons s’opposent à la proposition de l’éditeur américain, ils craignent la popularité grandissante de l’Algérien qui, depuis quelque temps, a pris de l’importance dans les conférences et congrès. Les grandes compagnies s’intéressent de près à lui. Il a été approché par plusieurs patrons en Amérique du Nord, au Japon et en Europe, mais jusqu’à maintenant, il est resté fidèle à sa compagnie. Ses patrons vont réagir. Il n’a plus l’autorisation de communiquer avec les médias sans l’avis de la direction. Trop c’est trop, il démissionne et se consacre de nouveau à la recherche. Ses patrons vont à plusieurs reprises lui téléphoner pour le faire retourner à son poste. À son refus, la compagnie sort le règlement interne. Pour la protection du secret professionnel, Tahar Touam n’a pas le droit de travailler durant les 3 prochaines années.

Bernard Landry, vice-premier ministre du Québec,e et le directeur de la recherche et développement, chef de la conception, le Dr Tahar Touam, lors de l'inauguration de la compagnie Lumenon Inc., le 6 juillet 1999


La contribution de l’Algérien se situe au niveau d’un matériau connu, le Sol Gel, découvert en 1938, mais peu exploité dans le domaine des composants optoélectroniques et photoniques. Fabriqué à partir d’un procédé dangereux à haute température, le Sol Gel présentait des failles au niveau de la sécurité et son équipement était coûteux. En 1998, l’Algérien peut sourire, il vient d’inverser le rôle et redonner une nouvelle vie au Sol Gel. Au fond, ses patrons ne croyaient pas à la réhabilitation du matériau en question. Le travail a été effectué au niveau de la préparation. Le Sol Gel est devenu actif à basse température qui permet de fabriquer des puces photoniques et le rendre sensible à l’UV. Autres avantages : la facilité d’impression et un équipement non coûteux qui permet de fabriquer des puces photoniques. C’est pour la première fois qu’un nouveau produit, la puce DWDM, est fabriqué sur le nouveau matériau.

Les travaux de Tahar Touam et de son groupe constituent une source inépuisable, des équipes de recherche européennes, asiatiques et américaines, la liste est longue par pays, signalent les travaux de l’Algérien dans la partie référence. Au mois de juillet et août 2005, Physical Review et le Journal of materials Chemistry ont publié des travaux de deux groupes associés pour le même projet. Il s’agit de Stanford Linear Accelerator Center. Le département de physique de l’Université de Avero (Portugal) et de l’institut de chimie de l’Université de Araraquara de Sao Paulo au Brésil. Les deux groupes ont mentionné dans leurs travaux les recherches de l’Algérien et de son groupe.

Tahar Touam a tenu sa promesse, son premier enfant porte le prénom d’une de ses anciennes connaissances à Ottawa, l’Irakien, Adnan El-Khatib. Il a trois enfants dont une fille Majda et un garçon Adel.