J’ai célébré le cinquantième anniversaire de l’Indépendance au Canada. À Montréal plus précisément, une ville que j’ai retrouvée complètement métamorphosée.

Je ne pensais pas un seul instant que cet espace allait se transformer en terre d’accueil pour des milliers d’Algériens, jusqu’à en faire une communauté incontournable. La généreuse adhésion des enfants de mon pays à la célébration des festivités du Cinquantenaire est loin de constituer une surprise pour les Canadiens de la génération qui a précédé la mienne. Des Canadiens qui n’hésitent pas à rappeler aux bons souvenirs des uns et des autres la Révolution nationale algérienne qui a permis à l’histoire québécoise de prendre ses distances par rapport à la référence française et au mouvement souverainiste d’être vite gagné par la ferveur révolutionnaire qui ira crescendo jusqu’à l’éclosion du Front de libération du Québec. Dès 1956, et à Paris, le chansonnier québécois Raymond Lévesque commet une chanson à la gloire de la lutte du peuple algérien. Sa voix a porté loin, très loin la chanson Quand les hommes vivront d’amour/il n’y aura plus de misère, écrite, on s’en doute, pour dénoncer la souffrance et la détermination des Algériens. J’ai élu domicile au Nouvel Hôtel, situé dans un boulevard portant le nom d’un très grand ami de l’Algérie combattante. Je veux parler de René Lévesque, fondateur du Parti Québécois et journaliste connu pour avoir stigmatisé, dans son émission télévisée Point de mire du 10 février 1957, le colonialisme français. Avec des images filmées, tenez-vous bien, par les services du cinéma du FLN, une première pour une télévision occidentale. Qu’est-il resté de cette passion révolutionnaire après l’indépendance de l’Algérie? Des liens, des amitiés peut-être.

Comme celles de Gilles Pruneau, militant du Front de libération du Québec, qui s’exile à Alger en 1963, le fait remarquer un confrère de Montréal. Aujourd’hui, le souvenir de cette effervescence révolutionnaire s’est estompé. Mais pour l’auteure Marion Camarasa, il demeure vivace “auprès des Québécois ayant été acteurs de la Révolution tranquille, des militants du PQ par exemple.” De cette Algérie révolutionnaire, outre son histoire récente et violente, ne subsiste plus au Québec aujourd’hui que l’immigration dite économique et son lot de problèmes d’intégration, soutient la même source, relayant ainsi l’argumentaire des films Ange de Goudron de Denis Chouinard et Monsieur Lazhar de Philippe Falardeau. Mais du lien historique, il n’a plus été question, y compris en Algérie. Pourtant, rappeler cet épisode “permettrait certainement une valorisation de la société algérienne en tant que société qui a contribué intellectuellement à l’histoire québécoise. Un autre regard serait ainsi permis sur cette immigration algérienne au Québec, qui a beaucoup pâti des préjugés liés à la conjoncture internationale”, soutient Marion Camarasa. M. Abdelghani Amara, consul général à Montréal, en est conscient, lui qui rêve d’une passerelle entre les deux pays. Au même titre que M. Laouar d’Air Algérie qui revendique plus de vols entre Montréal et Alger.

Source: Liberté - 14 Juillet 2012