Un immense hourra et un tonnerre de youyous à l’aéroport de Casablanca.

Ce n’est pas l’arrivée d’ une noce princière qui était saluée mais bel et bien l’annonce du vol Air Algérie vers Alger par la foule de passagers massée dans la salle d’embarquement, essentiellement des Algériens. Ils ont attendu ce moment libérateur 17 heures durant, parmi eux, un groupe d’une quinzaine d’enfants d’une équipe de foot d’El Biar, venue au Maroc participer à un tournoi. Mercredi 30 juin donc, le vol prévu à 12h30 a été reporté à 22h30. Une interminable journée passée à l’aérogare, qui des passagers assis sur d’inconfortables sièges, qui allongés sur une ingrate moquette d’un coin destiné à la prière. Une pétition commença à circuler évoquant une possible action en justice contre la compagnie. Puis, seconde mauvaise surprise, le vol fut annulé et les infortunés passagers à patienter sous les lueurs blafardes des néons, morts de fatigue, jusqu’à quatre heures et demie du matin. Puis, décision de transfert à cette heure impossible vers un hôtel de Casablanca. Pourquoi pas avant, au moment de la seconde annulation du vol afin que soit évité le calvaire de l’attente ? C’est un des secrets d’Air Algérie, comme l’a été celui d’ordonner aux passagers de regagner la zone internationale, puis de leur demander, cinq heures après, d’annuler toutes les formalités, y compris l’enregistrement des bagages et de revenir à la case départ. Les agents marocains eux-mêmes n’ont rien compris à ce manège. Manifestement dépassé par le problème, le délégué d’Air Algérie ne put que subir stoïquement la colère des passagers qui, de surcroît, n’eurent à leur disposition qu’un frugal repas à midi dans un restaurant expéditif et un sandwich le soir à l’aéroport. Vaincue par le stress, une mère de famille s’évanouit à côté du tapis ramenant les bagages.

Elle fut réanimée par des médecins de l’aéroport. Deux heures auparavant, c’est une de ses filles, une adolescente diabétique, qui fit une crise d’hypoglycémie. Un passager craque et n’arrêta pas de crier à la face du délégué d’Air Algérie : « Je ne suis pas un cochon ». Après quelques petites heures passées à l’hôtel, de retour à l’aéroport, le groupe se géra mutuellement à coups de folles rumeurs sur le vol, chacun se revendiquant d’une connaissance « fiable » à Air Algérie pour annoncer un déblocage de la situation ou pour expliquer les raisons de cet incroyable retard : des supporters de l’équipe nationale à rapatrier en catastrophe vers Alger, des différends entre commandants de bord, une grève en France des aiguilleurs du ciel, tout y passa. Comme pour ne pas démentir sa légende, Air Algérie resta totalement muette, de bout en bout, et c’est ce qui irrita le plus les passagers. La compagnie aurait pu désamorcer une partie de la colère par le langage de la vérité, tout en prenant les dispositions matérielles qui s’imposent, dans le sens de la convention IATA, en offrant un hébergement à l’hôtel à une heure raisonnable et une restauration convenable. Le mot de la fin, peut-être, ce furent les gamins d’El Biar qui l’eurent au moment de l’atterrissage de l’avion espagnol affrété en chantant en chœur Bladi n’habek malgré tout. Ils étaient surtout tellement heureux de revoir leurs parents, morts d’inquiétude.

Source: El Watan - Edition du 4 juillet 2010