Au quatrième top, c’est le moment de retrouver Aziz Farés, hélas pas sur les ondes de la chaîne III mais sur une île virtuelle. Voici entre les mains, les yeux ou les deux à la fois, l’essentiel de notre entretien bien réel.

Comment et quand tu es allé à la radio ?
J’ai commencé à la radio chaine 3 en 1968. Je voulais faire ce métier et un ami m’a présenté un technicien Aziz Benmerabet qui m’a présenté un animateur vedette : Ali Benkerrou qui m’a tout appris.
Ensuite j’ai rencontré la défunte Cécile Marion, responsable des programmes qui m’a fait commencer. J’écoutais studieusement Ali travailler. Je lui faisais des programmes et peu à peu il m’a confié l’antenne. La III était à Zabana mais les studios au boulevard des martyres. Les radios n’étaient pas des directions mais des départements dirigés par Boureghda. La III émettait de 6h à 9h, de midi à 15h et de 18h à minuit.

L’émission phare de cette époque ou l’animateur vedette ?
Leïla Boutaleb que je salue amicalement et le réveil musical bien sur.

Quand as-tu fait ta première émission ?
Ma première « vraie émission « était un hit parade de 18h à 21h, spécial clubs mais rapidement j’ai eu une tranche fixe et j’ai co-produit une émission de jazz avec Pierre Chiche. A l’époque, les animateurs ne pouvaient rien faire d’autre que présenter des disques, les débats et la politique étaient réservés à l’information.

Que devient Ali Benkerrou ?
Il est parti en Belgique parce qu’il avait la nationalité Belge mais de père algérien.

L’information était de quel genre, quel style ?
C’était : Audience du président, discours du président, visite du président Boumediene... Quand au style, ça n’a pas trop changé.

Y’avait-il des chanteurs interdits de diffusion ?
Avant la guerre des six jours tout passait sauf Enrico Macias. Après la guerre, les Beatles, les Stones, Johnny, Adamo et pleins d’autres étaient interdits. Pourquoi ? Parce que ! Quant aux chanteurs algériens bein ils ne passaient pas tout simplement à la III. C’était la chasse gardée de la chaine I qui diffusait essentiellement les chanteurs orientaux.

Y avait-il une note officielle qui interdisait tel et tel artiste ?
Non, aucune. Avec Kamel Benyahia qui était responsable des programmes, nous avons brisé l’interdit. En 1972, je lui ai dit « Et si on passait ces artistes ? « Il a dit « ok « et personne n’a dit quoi que ce soit.

Tu étais au cachet ?
Oui et je n’ai jamais voulu être recruté. Je tenais à ma liberté et en plus au cachet ça payait mieux.

Tu as combien d’émissions à ton actif ?
7 ou 8 surement, 10 peut être dont Radio Clip avec Djamel Chirouze qui a duré 4 ans, Pouvoirs, Légendes urbaines avec feu Hafid Amalou et des milliers d’heures d’interviews, des milliers d’Invités, des reportages, des extérieurs, en Algérie et à l’étranger sans parler des petites émissions de variété. Nous faisons parler les gens en les laissant s’exprimer librement et la III était considérée comme un bastion de l’algérianité.

Quand as-tu quitté la III ?
J’ai quitté la 3 en 1989 pour monter une radio privée « Maghreb Numéro 1 » qui n’a jamais vu le jour car le pouvoir a refusé de nous délivrer une licence (fréquence) alors que la loi le permettait. Les décideurs me disaient « On a d’autres priorités « . Nous étions la première radio libre arabe (Liban exclu) avec 25 ans d’avance. Ensuite je suis revenu pour faire Pouvoirs, une émission politique en direct et je n’ai remis les pieds qu’en 2003 lors de l’année de l’Algérie en France.

Que penses-tu de la III actuelle ?
La III actuelle que je n’écoute pas souvent a besoin d’une nouvelle dynamique. Elle a besoin de croire en elle, de proposer des idées nouvelles, de ne pas vivre dans un cocon. Elle ne doit pas se dire qu’elle est la meilleure, mais prouver qu’elle est la meilleure et sa directrice actuelle Nacera Cherid est capable d’insuffler … Un jour, Médi I est arrivée et nous a damné le pion. Il a fallu traverser des années noires. Rachid Boumediene est revenu et a dit « On va travailler. » On a travaillé et repris le haut du pavé. Je suis très fier d’avoir participé à cette grande aventure qui a vu la III aux avants postes de la liberté. (C’est en cette époque que Sans Pitié a vu le jour. Ndlr). Nous faisions, toi compris Kamel, du très bon travail avec de petits moyens comparés à ceux d’aujourd’hui car nous voulions et aimions notre travail et l’Algérie.

Tu fais quoi maintenant Aziz ?
Je vis à Montréal, sur une ile, loin de « mon ile d’Alger ». Je suis éditeur. J’écris et je fais de la radio. J’ai écrit deux livres : La tangente impossible et J’ai failli égarer Dieu, publiés en Algérie et bientôt ré édités ici. J’édite des livres qui traitent d’identité, de réflexion, de mystique, étant moi même fervent de mystique soufie. Je travaille à Radio Ville Marie.

Ton mot de la fin, c’est bientôt les tops.
Je suis fier Kamel de ce que j’ai fait pour la radio. Ceci a été possible car il y avait des gens qui croyaient en nous. Merci à toi.

En quittant Aziz, je me suis mis à écouter des émissions de la III : Contact, Sans Pitié, Madame Doudoune, A cœur ouvert, Local Rock, les débats politiques… Elles sont bien rangées dans ma mémoire et la III de ma jeunesse, qui était au top, restera à jamais dans mon cœur.

Source: Jeune Independant - 22/08/2014