«Les arbres sont des poèmes que la terre dessine dans le ciel. Nous les abattons et les transformons en papier afin d’y tracer l’empreinte de notre vide». Gibran Khalil Gibran, Le Sable et l’Écume.



Je me suis levée tôt le matin ce jour glacial et frileux du 15 janvier 2011. Je me suis levée du bon pied et du bon côté du lit avec un objectif clair, net et précis. J’en ai marre de me taire.

Je me suis préparée comme en allant à une réception. Les fringues étaient merveilleusement chics sur moi. Le regard charmeur de mes compatriotes mâles a confirmé cela dès mon arrivé au Carré Saint-Louis.

La veille de cette manifestation, j’ai appelé ma mère, âgée de soixante-dix ans pour avoir le pouls de ses pensées et le fil conducteur de ses opinions. C’était tôt le matin chez elle. Elle venait de terminer la première prière de la journée. L’aube, el-fajr.

À la deuxième tonalité, son allô hésitant et semant l’inquiétude a provoqué ma peur et mon angoisse. Une chance que celà était dû au fait que tout le monde dormait.

Elle a prié Dieu pour qu’il m’épargne et éloigne le mauvais sort de mon chemin. Aussi, elle a fait un vœu pour que je rencontre ould el-halal (un mari exemplaire et convenable).

Tout de suite j’ai enchaîné la discussion et je l’ai informée que probablement la manif sera l’occasion où je rencontrerai finalement l’homme de ma vie. Comme ça, à la fin de la lecture du manifeste, je rentrerai au consulat et je procèderai à la légalisation de l’union et je ne trouverai, nulle part ailleurs, autant de témoins.

Les commis de l’État seront-ils au service des citoyens  participant à la manif? La réponse est claire, il n’y a aucun doute. Ce sont des braves fonctionnaires qui savent faire la part des choses.

Le bizarre dans tout ça est que ma mère croyait que nous manifesterons devant le consulat algérien parce qu’il a fait augmenter les prix de l’huile et du sucre pour les Algériens résidant au Canada.

Par contre, elle m’a donné un conseil et demandé de suivre son exemple et arrêter de consommer le sucre et l’huile.  Depuis que les médecins ont diagnostiqué chez elle le diabète et le cholestérol, elle a mis fin à la préoccupation de s’en procurer et par le fait même, elle n’était pas dans l’obligation de sillonner les rues pour manifester.

J’ai beau à lui expliquer que la sortie des gens était pour dénoncer l’oppression et la hogra et que le sucre, de l’huile et la cherté de la vie n’étaient qu’un prétexte pour la révolte.

«Il est bien de donner à qui quémande, mais il est mieux de donner sans qu’on vous le demande, par compréhension».  Gibran Khalil Gibran, Le Prophète.