Invité par la Fondation Tiregwa, maître Ali Yahia Abdenour sera au Canada du 12 au 25 du mois de novembre 2014 pour donner une série conférences sur son livre consacré à la crise antiberbère de 1949, mais aussi, il aura sûrement beaucoup de choses à dire sur la crise actuelle qui ronge l’Algérie dans tous les domaines.

 Pour la mémoire collective

Quand une personne vient au monde dans un pays dépourvu de sa mémoire millénaire et même récente, elle se sent perdue, déstabilisée voire ballottée entre un passé flou et un présent désorganisé au plus haut point. Aussi, elle perd tous ses repères à force d’observer les acteurs qui ont libéré ou prétendre libérer son pays s’entretuer ou s’entredéchirer. Qui détient la vérité de toute cette mascarade? Qui a les mains propres dans ce lot de révolutionnaires? Qui pourrait demeurer l’éternel héros de cette révolution miracle?  Il est difficile de répondre à ces questions sans se tromper, car plus le temps passe, plus les bribes de témoignages désarçonnent les citoyens assoiffés des jeux de coulisses et des conflits internes qui ont miné le mouvement nationaliste algérien avant, pendant et après la révolution. C’est dans ce contexte de questionnements interminables que le dernier livre de maître Ali Yahia Abdenour ‘’ La crise berbère de 1949’’ tombe à pic. Depuis 1962 et bien avant, les commentaires n’ont pas cessé de pointer du doigt le groupe d’Oudjda qui a dévié le destin de tout un pays, de tout un peuple de sa trajectoire tant espérée : la démocratie, l’alternance, l’égalité, la justice et la modernité. Le témoignage de Ali Yahia va plus loin que cela. Il fait l’autopsie des enjeux au sein même du mouvement nationaliste algérien des années 40, bien avant le déclenchement de la révolution. Cet avocat controversé n’était pas seulement un observateur des mouvements des acteurs de l’époque, mais acteur aussi puisqu’il a adhéré à ce mouvement : « En 1945, Il adhère au Parti du peuple algérien-Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques à l’époque de l’Algérie française et il quitte le parti du PPA-MTLD lors de la crise berbère en 1949. ».

 

 Il a donc démissionné de cette structure à cause du rejet de la dimension berbère par des acteurs qui prétendaient libérer le pays du joug colonial. Après l’indépendance de l’Algérie, cet avocat était dans tous les combats. Ses choix politiques ne faisaient pas toujours l’unanimité, mais il les assumait contre vents et marées. Il était à côté de Ait Ahmed en 1963, ministre de Boumedienne en 65-68, avocat du FIS dans les années 90, opposant au pouvoir actuel à côté de Said Saadi malgré son âge avancé. Et tout cela n’était pas assez pour cet infatigable et énigmatique historique. Il a donc senti l’urgence d’écrire un livre sur la crise antiberbère des années 40. Une façon, pour lui, de rendre hommage à ces hommes révolutionnaires kabyles qui avaient l’Algérie et Tamazight dans leur âme : «  À la mémoire de Ouali Bennai et de Amar Ould Hamouda, personnages hors du commun, monuments historiques sacrés d’une grande valeur militante, que l’on peut considérer comme les leaders les plus grands du mouvement national, des guides éclairés assassinés à la fleur de l’âge par leurs pairs pour avoir porté haut  et fort le flambeau de l’Amazighité forgée de larmes et de sang, pétrie de dignité, d’honneur, de fierté et d’éthique. »

Il est certes intéressant de lire ce livre-témoin, mais aussi judicieux de questionner l’auteur sur la pertinence de témoigner  maintenant et non pas avant de cet épisode dramatique du mouvement national algérien. Au-delà de cette envie viscérale d’immortaliser le combat de ces militants courageux, cohérents et intransigeants, ces révélations, pourraient-elles apporter un plus dans le démêlement de la crise algérienne ?  Donc, seul le concerné pourrait répondre aux questions des personnes qui se sentent interpelées par les coulisses du passé et les tiraillements du  présent.

Source: Taghamsa