Antoinette, ou Toinette comme préférait l’appeler sa mère, s’est bien organisée pour quitter ce beau monde et partir dans l’univers inconnu.

Nelly Arcand, la romancière québécoise, décédée en s’enlevant la vie, un 24 septembre 2009, a raconté l’échec du voyage volontaire vers la mort d’Antoinette dans son roman, Paradis clef en main.

Paradis clef en main est une compagnie fictive dont la vocation principale est l’organisation de décès aux personnes tannées, dans le sens navré et loin du hâlé, de ce monde, à leur image, dégueulasse, infect, dégoûtant et répugnant.

Dans un sens figuré, Paradis clef en main est un chalutier ou un sorte de sardinier ou du moins qu’on puisse le dire, une embarcation de fortune représentant un visa valable pour rejoindre les côtes d’un paradis de rêves.

Par contre, à l’inverse de la mission initiale de Paradis clef en main, ces engins de pêche de produits marins se sont convertis, promptement en fonction de la forte demande, à des pirogues halieutiques humaines.  Ces bidules navals ont troqué la vocation du chalut au développement du filet social des dépourvus.  À vrai dire, il est plus payant d’organiser un suicide collectif qu’un jet de filet, au crépuscule à la mer, aux risques d’une horreur de le récolter vide, à l’aube précédant les premières lueurs de l’aurore.

Dans le cas où le candidat de Paradis clef en main échoue dans sa traversée vers le monde inconnu, il n’aura aucune chance de récidiver ou reprendre contact avec la compagnie.  Il vivra avec l’échec jusqu’à, selon sa volonté, l’appel officiel inscrit dans son destin.

Souvent, après cette fripouille empirisme, ces candidats s’attachent à la vie malgré les séquelles ou les dommages corporels engendrés par l’expérience.  Ceux et celles réussissant le passage, un chagrin naîtra suite à leur absence et occupera pour longtemps leur place dans la mémoire des vivants.

L’échec est également une défaite et une déception pour les postulants des côtes paradisiaques de la rive nord méditerranéenne.  En revanche, les fuyards malchanceux, optent pour être bouffés par les poissons qu’être jetés ou incarcérés dans les prisons du pays. 

Pour l’éligibilité du candidat à la mort, le Paradis clef en main exige maintes épreuves et met en demeure la personne par des injonctions et des interpellations diktats.  Il est fort probable de quitter la vie le plus normalement possible avant d’atteindre le rendez-vous de la compagnie. 

Le premier critère absolu ou du moins Sine-qua-non est le vouloir mourir.  Le statut social des postulants est souvent le même.  On y trouve; riches, divas, acteurs, chanteurs, politiciens et la plupart du temps, les idoles de la société dont la misère aux exigences de la vie de tous les jours est loin de les atteindre.

Sur la rive sud du basin de la méditerranée, le portrait des brûleurs ou des resquilleurs est autre chose que le profil des quêteurs de la mort.  Leur impérieux vœu est nul autre que vivre, survivre et revivre.  Ce sont des individus de catégorie, être-humain, que le système leur a tourné le dos.

En fait, en plus des chômeurs de toutes catégories d’âge, on trouve des étudiants et même parfois des fonctionnaires que l’oppression hiérarchique leur a obligé d’abandonner le statut social du pays et risquer leur vie pour quémander le profil de sans statut.  En réalité, les uns et les autres se déclarent persuadé qu’au-delà de la mer, leur vie sera meilleure.

Chose certaine, ceux réussissant de se faufiler et de se disperser sur les terres fermes européennes, arrivent à intégrer le système socioéconomique, commencer à zéro, refaire et construire de nouveau leur statut.

Peu de temps ou quelques années plus tard, sur les artères du pays natal, vous les rencontrez conduisant une bagnole de l’année, vêtus de fringues dernier cri et la bonne mine dessinée sur leur visage.  D’une certaine façon, ils envoient un message pour exprimer la réussite des êtres quand ils ne sont pas privés d’opportunité.

Houari Weldmaraval

 


Il vaut mieux être bouffé par des poissons que par des vers de la terre natale.  Parole d’un harraga


(*) Paradis clef en main, un roman québécois écrit par Nelly Arcand et édité par la maison Coups de tête.